Discours au Tribunal de Commerce-
Monsieur Président, Madame et Messieurs les juges consulaires,
Je vous remercie de me donner la parole à l’occasion de cette rentrée solennelle ou, traditionnellement depuis que votre juridiction consulaire est devenue départementale, les Barreaux d’Argentan et d’Alençon ont l’occasion, alternativement, et grâce à votre aimable invitation, de vous adresser ainsi qu’à toutes les personnalités présentes, leurs meilleurs vœux pour la nouvelle année qui commence.
Madame Bâtonnier Florence GALLOT qui succède, à la tête de notre Barreau et pour les deux années qui viennent, à notre Confrère Céline GASNIER m’a chargé, en qualité de Vice-bâtonnier, de vous adresser en son nom et au nom de tous les membres de nos ordres ses vœux de réussite tant à titre professionnel que consulaire pour l’ensemble de vos missions, mais aussi à titre personnel.
Faire des « vœux » étant l’objet même de ce propos, je me suis permis de considérer que s’il en était un que nous souhaiterions ardemment voir se réaliser c’est, ainsi que nous avons eu l’occasion d’échanger dernièrement sur ce sujet, l’aboutissement du portail « I Greffe ».
Si ce portail, conçu en partenariat entre le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce, le Conseil National des Barreaux et la Conférence Générale des Juges Consulaires de France, permet aujourd’hui, de façon sécurisée, l’acheminement auprès des juridictions consulaires les actes de procédure saisissant le Tribunal, ce service ne permet pas aujourd’hui une dématérialisation complète des procédures.
Ainsi, nous pouvons certes, déposer des assignations ou même et des conclusions via ce portail mais celui-ci, dans sa forme actuelle, ne permet pas de garantir et d’assurer les échanges entre les Avocats et la juridiction pour réaliser une véritable « mise en état » des dossiers comme cela est le cas grâce aux services interconnectés du RESEAU PRIVE VIRTUELLE DES AVOCATS (RPVA) avec le RESEAU PRIVE VIRTUELLE JUSTICE pour les juridictions de grande instance et les Cour d’Appel ou les Tribunaux Administratifs et Cours Administrative d’Appel avec le service TELERECOURS.
Sans doute, le frein à cette inter connectivité complète, seule à même de permettre la dématérialisation réelle des procédures est-il constitué par le fait que la procédure devant votre juridiction est « orale » de sorte que les parties peuvent toujours se présenter en personne, d’une part mais aussi, et d’autre part, que les débats restent « ouverts » et autorisent ainsi la production de pièces nouvelles ou de moyens de droit nouveaux jusqu’à l’audience publique…
Sous réserve du respect du principe du contradictoire, bien évidemment…
Cependant, s’il s’agit là, sans doute, d’un frein à une mise en œuvre généralisée.
Monsieur le Premier ministre et Madame le Garde des Sceaux nous ont révélé, le 6 octobre dernier les 5 grands chantiers de la Justice pour les 5 années à venir au titre desquels figure, en premier chef, « la transformation numérique de la justice ».
Soit !
La consultation ouverte alors sur le portail du ministère de la Justice, j’ose l’espérer, n’aura pas été la seule source de collecte des attentes des justiciables ou des partenaires du monde judiciaire dont les avocats sont, sans nul doute, l’un des rouages essentiels.
Il serait certes concevable de décider que, pour les procédures où des avocats sont saisis, seul s’appliquerait dorénavant devant vos juridictions, ce qui existe devant les juridictions civiles et administratives, à savoir : l’accomplissement de la totalité des échanges d’écritures sous le contrôle d’un magistrat, ici consulaire, chargé d’une véritable mission de mise en état.
Mais, les objectifs n’en seraient pas pour autant totalement réalisés !
D’une part resteraient soumis aux aléas d’une procédure non ou insuffisamment formalisée liée à l’oralité, les dossiers dans lesquels il n’y a qu’un seul ou aucun avocat et, d’autre part, l’absence pour le juge d’un véritable pouvoir d’injonction qui suppose la capacité de déclarer clos les débats, n’engendrera pas nécessairement d’accélération notable du cours des procédures.
Pourquoi, dès lors, ne pas envisager de sécuriser totalement et de réaliser complètement la dématérialisation des procédures devant vos juridictions en abandonnant purement et simplement la procédure orale actuellement en vigueur au profit d’une procédure écrite ?
Dans notre « monde judiciaire » informatisé, le souci de sécurité porte certes sur la nécessité de garantir les supports sur lesquels sont échangés les écrits et documents produits.
Mais nous savons également, dès lors que le travail de recherche et d’analyse de l’application de la règle de droit est souvent prédominant par rapport à l’analyse factuelle, que seule cette procédure écrite est de nature à satisfaire le respect des principes du contradictoire, garant lui-même de la loyauté des débats en portant à la connaissance des parties suffisamment à temps les moyens de fait et de droit nécessaires à la solution du litige.
D’autres contentieux se prêtent, bien au contraire, au maintien de la pratique de l’oralité mais, et aucun des praticiens, juges ou avocats ne le contestera ici, ce n’est, et depuis longtemps, plus le cas des contentieux soumis à vos juridictions.
On nous objectera sans doute que le passage à la procédure écrite constitue un frein à l’accès à la justice pour le justiciable…
Il s’agit cependant aujourd’hui plus d’une position de principe que d’une réalité.
Le nombre de procédures suivies en direct par les justiciables devant les juridictions consulaires en représente, de fait, un très faible pourcentage.
Et les justiciables concernés, professionnels puisque commerçants, individuels ou sous forme de sociétés, ne sont pas nécessairement ceux qui ont aujourd’hui de réelles difficultés à accéder à leurs juges.
En contrepartie, nous savons également que la « prévisibilité » de la chose judiciaire facilite sa gestion, favorise la clarté des débats et rend plus aisée la décision à rendre.
Pourraient rester seules en dehors de cette procédure rénovée, les procédures collectives, justement en raison du fait qu’elles concernent des justiciables, à ce moment-là en situation de précarité économique ou financière, rendant légitime le souci de préserver un accès directe, rapide et gratuit à leur juge naturel.
C’est sans doute, dès lors, le moment de solliciter la finalisation du service « I Greffe » dans ce cadre rénové d’une procédure écrite et formalisée.
Il constitue aujourd’hui le seul mode totalement sécurisé d’échange permettant de réaliser de façon complète la dématérialisation des procédures devant les juridictions consulaires afin de les mettre à égalité de mode de fonctionnement et au même niveau de sécurité que les autres portails dorénavant fonctionnels mis en œuvre auprès des autres juridictions civiles et administratives.
Il permettra en outre aux confrères non résident dans la ville « hôte » dans laquelle siège la juridiction, de poursuivre leur mission à « égalité de traitement » avec leurs confrères locaux, à tout le moins jusqu’au stade de l’audience public.
Nous sommes, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges Consulaires, les uns et les autres, je pense, intimement convaincus que les besoins d’accessibilité, de célérité mais aussi de sécurité qui anime la volonté de modernisation de la justice, suppose cette mise en place.
Je suis pour ma part, bien conscient que ce petit mot n’est qu’une très infime contribution à ce besoin de modernisation, mais ce n’était pas une raison suffisante pour que j’y renonce, hélas pour notre auditoire non juriste.
Qu’il veuille bien m’en excuser…
Soyez ainsi assuré que les membres des Barreaux du département sont tout à fait prêts à prendre leur part, en leur qualité d’auxiliaire de justice, de cette œuvre constante de modernisation de nos institutions.
En espérant, et ce sera là mon dernier vœux, que cette modernisation ne se confonde pas avec de nouvelles suppression de juridictions ou l’éloignement encore plus important de certaines de nos activités judiciaires…